Le journal de Gérard

Le journal de Gérard

Nuit en forêt (Guyane)

Le cadran lumineux de ma montre annonce 4h20. La nuit est totale. Je me tourne dans mon hamac, je distingue à peine le léger rougeoiement du feu. Hier soir la nuit était remplie d’étoiles et de grillons qui faisaient un ramdam à tout casser (pas les étoiles, les grillons)

Qu’est ce qui m’a réveillé ? Je n’entends plus le bruit de la forêt, j’écoute la nuit profonde et je découvre que ce qui m’a alerté c’est l’absence totale de bruit.

La nuit en forêt amazonienne, le bruit presque incessant est captivant et quand le silence est soudain total tous nos sens sont en alerte. La nuit en forêt, le silence signifie qu’un prédateur est en vadrouille.

Je cherche ma lampe frontale, je la trouve, elle fonctionne, je peux sortir de mon hamac. J’enfile mes tongs, achetées 2€ chez un chinois de Cayenne. La nuit en forêt, ne jamais se déplacer pieds nus.

Je suis un peu engourdi, est-ce l’humidité de la nuit ou bien est-ce l’âge ? Par fierté j’opte pour l’humidité.

Pas une lueur dans le ciel, la nuit est maintenant d’un noir profond et intense. L’obscurité totale est oppressante, claustrophobe s’abstenir. Avant de m’éloigner de mon hamac je remets du bois sur le feu pour me repérer au retour.

J’avance dans la nuit, quelques mètres seulement et pourtant j’ai l’impression d’en avoir parcouru cent. Je m’arrête, je ne vois que les quelques mètres devant moi éclairés par ma frontale. Je balaie la zone ou je me suis arrêté, j’éteins et je satisfaits un besoin naturel dans la nuit amazonienne. Les animaux de la nuit me voient certainement mais je ne les vois pas. Quelle liberté…. Brel disait « Pisser dans les étoiles », moi c’est dans les bambous.

Je regagne mon hamac, je me coule dans mon « sac à viande » et je prends la position classique du type qui s’apprête à franchir une durée plutôt qu’une distance. Je regarde la nuit. La nuit amazonienne se regarde avec les oreilles et avec les sens que la nature nous a donnés.

 

La rumeur de la nuit reprend, avec ses insectes, ses frissons étranges, le chuchotement des branchages, les cris désemparés d’animaux inconnus dont on devine la présence furtive. Avec le chant des grenouilles, des crapauds buffles, des insectes de toutes sortes, des criquets, les grognements indéterminés des mammifères de tous poils la nuit amazonienne est bien plus bruyante que les nuits de certaines banlieues surchauffées de nos cités métropolitaines.

Je somnole, une heure ou quelques minutes? Je n’ai pas envie de regarder ma montre, à quoi bon puisqu’il faut attendre que le jour se lève.

 

Quand j’ouvre à nouveau les yeux. La brume s’arrache à la canopée. Une lueur à peine perceptible traverse le toit du carbet qui nous a abrité pour la nuit et je me dis que nous avons eu de la chance que la pluie ne soit pas venue cette nuit. Y’a une multitude de trous dans le toit, sans doute pour faciliter l’accès des lieux au Père Noël.

Les singes hurleurs donnent un concert, ils peuvent être à proximité ou à plusieurs kilomètres.

Les bruits de la nuit font place aux bruits du jour. Les chants des oiseaux se font de plus en plus présents. Je me lève, je remets du bois sur le feu et je vais prendre un bain dans le plus simple appareil dans la rivière toute proche, une baignoire de plusieurs millions de mètres cubes d’eau.

 



03/07/2024
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