Le journal de Gérard

Le journal de Gérard

Souvenirs made in Sarthe

(Né dans les années 50)

 

Je donnerais tous les merveilleux paysages qui m’ont été donnés d’admirer lors de mes voyages pour revoir ceux de mon enfance

Aujourd’hui, quand je pense au village de mon enfance je m'aperçois que ce n'est pas l'endroit que je regrette mais, mon enfance.

Mes souvenirs d’enfance remontent à plus de soixante ans. Un soir, on se retourne, on revoit sa jeunesse et l’on se rend compte que ce l'on apprend durant l'enfance est mieux gravé dans la mémoire que dans la pierre.

«En ce temps-là !», bébé, on nous faisait dormir n’importe où. On nous couchait sur le ventre sur des matelas en paillasse peu confortables dans des chambres aux murs recouverts de peinture au plomb. On nous faisait boire l’eau puisée directement au puit creusé dans la cour de la maison. Quelques années plus tard l'eau courante arrivera dans nos maisons et circulera dans des tuyaux en plomb.

Gamins, nous mangions des «P’tits LU», du pain rassis recouvert de vrai beurre bien jaune ou de saindoux et de lard. Nous buvions du chocolat «MENIER» avec du vrai sucre et du vrai lait non pasteurisé en provenance directe du pis de la vache.

Nous étions toujours en train de bouger, de jouer dehors, de courir dans les rues du village et dans les prés. Pendant les vacances nous partions de la maison le matin pour jouer au grand air à condition d'être revenus pour les repas

On nous emmenait dans la Citroën B14 du tonton «René», sans clim, sans ceinture de sécurité, ni siège pour bébé, ni airbag.

Être dans la carriole du «Père Aveline» tirée par un Percheron par une belle journée ensoleillée était toujours quelque chose d'extraordinaire. Nous allions chercher le lait et le cidre à la ferme. L’odeur des foins et de l’étable étaient enivrantes. Aujourd’hui encore j’ai ces odeurs dans ma tête.

J’aurais dû être paysan au siècle dernier. Assis sur la selle en métal d'une faucheuse qui épouserait la forme de mes fesses, j'aurai parcouru les champs derrière le cul monumental d'un Percheron.

Parlez-moi de la vie au grand air dans la campagne de mon enfance. J’aime les arbres ; pas les arbres anémiés, poussiéreux et asphyxiés par le béton des villes, mais les autres, ceux qui poussent tout seuls parce que le vent charrie de la semence et que la terre est fertile. Ces arbres au pied desquels on trouve des champignons.

Aujourd'hui, les insectes et les oiseaux ont pratiquement disparu de nos campagnes.

«En ce temps-là !»,Nous construisions pendant des heures des caisses à roulettes et autres engins bizarres, sans frein et avec lesquelles nous descendions la rue du village. Après avoir foncé plusieurs fois dans les bas-côtés et après quelques écorchures aux coudes et aux genoux, nous avions appris à gérer les problèmes de freinage et de direction. On faisait de la bicyclette sans casque de protection, ni tenues colorées bardées de publicités.

Même si on nous disait que tout pouvait arriver, nous bricolions avec toutes sortes d'outils réputés dangereux trouvés dans la caisse à outils de papa. Nous n'avions pas de Playstation, pas de Nintendo, ni iPod. Il n'y avait pas de jeux vidéo et pas 600 chaînes sur la télé. Pas de téléphone portable, pas d'ordinateur et pas d'Internet.

Le jeudi après-midi, jour sans école, c’est au «Café - Restaurant - Coiffeur - Taxi» du village et pour 20 cts qu’on allait voir, en noir et blanc, sur la seule télé du patelin les exploits de «Zorro», «Belle et Sébastien», «Bonanza», «Davy Crockett», «Aventures dans les îles», «Thierry la fronde», «Rintintin», «Roy Rogers» et «La flèche brisée».

Le dimanche, pendant que maman nous préparait une crème «FRANCORUSSE» à la pistache, nous écoutions sur le monumental poste de radio les émissions de Radio Luxembourg: Sur le banc, Signé FURAX, Zappy Max, Geneviève TABOUIS et son célèbre «à dimanche prochain pour les dernières nouvelles de demain».

Au mois de juillet on suivait le Tour de France. A cette époque les coureurs se shootaient au beaujolais et au bœuf gros sel.

Le «RAP» et ses messages vengeurs n’existaient pas encore. C’était le son de l’accordéon qui remplissait la maison.

Nous avions des amis, des amis réels, pas des amis inconnus connectés sur un réseau social.

Quand on avait quelques choses à dire à nos copains, c’est à pied ou à vélo qu’on allait les voir pour discuter.

Quand nous allions jusqu'à la maison des copains de classe ou du quartier nous frappions à leur porte; on entrait simplement, et nous étions toujours très bien accueillis.

Les jeudis après-midi, quand nous n’allions pas regarder la télé, avec mes frères, ma sœur et nos copains nous grimpions sur les arbres pour aller dénicher les nids de pies. On tombait, on se coupait, on se cassait des os ou des dents. Il n'y avait pas de poursuites judiciaires contre le maire du village ou le propriétaire du champ pour autant. Nous jouions avec des radeaux de fortune sur les rivières. Nous sautions et plongions des souches d'arbres dans des cours d’eau, sans maîtres-nageurs syndiqués.

Nous mangions des Spring-gums (quand il était vert nous en avions un gratuit), nous sucions des roudoudous et des caramels mous, le coca-cola n’avait pas encore envahit la planète. On fumait des lianes.

Aux heures les plus chaudes de l’été, les lessiveuses étaient nos plus belles piscines.

Été comme hiver nous allions à l’école à pied.

En hiver, lors de soirées exceptionnelles de grandes chutes de neige, nous avions la permission de jouer, à la lueur jaune des réverbères, dans les rues enneigées du village. Les glissades nous occupaient tout en gelant nos mains sans gants.

Pour Noël, une orange, des «crottes en chocolat» et une petite voiture «Dinky toy» étaient pour nous des cadeaux magnifiques.

L'idée que nos parents pouvaient être contre l'avis du Maître d’école, du Garde champêtre, du Maire ou du Curé et qu'ils pouvaient en venir aux mains ou aux insultes était inimaginable.

En «colo», nous avons appris à vivre ensemble en nous respectant. Parfois les bagarres étaient saignantes mais elles ne finissaient pas à la kalachnikov.

Nous avions la liberté et nous avons découvert par nous-même comment nous en sortir. Nos parents nous ont appris qu’il fallait se contenter de ce que l’on avait.

Comme d’autres de ma génération, j’ai eu la chance de grandir avant que les «politiques» ne viennent tout réglementer, avant que les "médias" ne prennent tant de plaisir à faire trembler nos chaumières de leurs scoops volontairement dramatiques, sans certitudes, juste pour l’audimat.

Loin des Kit-surfeurs d’opérette et des bars cocaïnés, la vie était belle, limpide et parfois rude, mais combien étions-nous heureux !

 

 



11/07/2024
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